Self-Directed Learning : une tendance qui monte
Le Self-Directed Learning (SDL) a le vent en poupe. C’est en tout cas ce que sous-entendent plusieurs études montrant que le temps passé à se former en SDL augmente chez les employés1, que les travailleurs souhaitent avoir davantage le contrôle sur leur apprentissage2, et que cette appétence augmente chez les jeunes générations3.
Qu’est-ce que le Self-Directed Learning ?
Je m’en tiendrai dans cet article à une définition très sommaire, que j’aurai l’occasion d’enrichir lors de prochains articles.
Le Self-Directed Learning désigne un processus dans lequel l’apprenant prend l’initiative et la responsabilité de son apprentissage : il définit ses objectifs, choisit ses ressources, planifie ses activités et évalue ses progrès.
Cette approche repose sur l’autonomie, la motivation intrinsèque et la capacité à “apprendre à apprendre”. Elle favorise un développement continu et personnalisé, adapté aux besoins individuels et aux contextes changeants.
Pourquoi le Self-Directed Learning séduit-il ?
L’histoire du Digital Learning est parsemée de tendances plus ou moins innovantes : eLearning, Blended Learning, Mobile Learning, Social Learning, Informal Learning, Gaming, MOOCs, Adaptive Learning, etc.
Le Self-Directed Learning ne serait-il donc qu’une mode de plus ? Pas si sûr, car le SDL se démarque en apportant des réponses là où les approches passées atteignent leurs limites. Mais surtout, le SDL est en phase avec son temps. Il s’inscrit pleinement dans un environnement professionnel et technologique moderne, où l’agilité prime et où l’IA s’apprête à dominer.
Pour autant, le Self-Directed Learning n’a pas vocation à remplacer les autres tendances. Il offre une stratégie de plus face aux enjeux actuels, complémentaire aux approches plus classiques.
Pour tenter de vous convaincre, voici 6 raisons qui, à mon sens, peuvent expliquer le succès du Self-Directed Learning.
Raison n°1 : motivation
Dans le Self-Directed Learning, c’est l’apprenant qui choisit d’apprendre et qui décide quoi apprendre. Cette liberté peut être totale, ou bien s’inscrire dans un cadre pédagogique plus formel.
Mais psychologiquement4, se sentir maître de ses apprentissages fait toute la différence. Un acte choisi est toujours mieux vécu qu’un acte subi. En préférant l’initiative à la contrainte, l’apprenant se sent plus en accord avec son système de valeurs. Il limite les frustrations et les tensions liées à une contrainte externe.
Il en résulte une implication plus forte tout au long des apprentissages, ce qui débouche généralement sur de meilleurs résultats, une meilleure rétention et une meilleure capacité à mobiliser les connaissances en situation de travail.
Pour aller plus loin : La motivation, clé du Self-Directed Learning >
Raison n°2 : adaptabilité
Cela fait une éternité que j’entends parler d’Adaptive Learning, et j’en suis moi-même un grand défenseur5. De nombreuses approches ont été tentées pour adapter au mieux les parcours de formation aux spécificités des apprenants. Cela va de la scénarisation de parcours pédagogiques avec des branches conditionnelles, jusqu’au guidage en temps réel basé sur l’historique de l’apprenant.
Dans certains cas, cela fonctionne très bien. Je pense par exemple à l’apprentissage des langues, qui s’adapte en permanence à notre niveau et à nos progrès. Mais dès que l’on aborde un domaine de compétences plus diversifié, les techniques d’Adaptive Learning sont souvent mises en échec, faute d’être capables d’établir un modèle fiable du domaine de compétences.
Le Self-Directed Learning adopte une approche différente puisqu’au lieu de laisser le soin à un système intermédiaire d’adapter le parcours, il confie ce rôle à l’apprenant. Le postulat est que l’apprenant est souvent le mieux placé pour savoir ce dont il a besoin, pour calibrer son style et son rythme d’apprentissage, pour définir le chemin qui tient le mieux compte de ses acquis et de ses objectifs. Cette approche n’exclut d’ailleurs pas des recommandations automatisées, mais l’apprenant garde le contrôle.
Le Self-Directed Learning serait-il la forme ultime d’Adaptive Learning ?
Raison n°3 : agilité
Les stratégies de Self-Directed Learning trouvent un éco particulièrement favorable dans un contexte de formation “juste à temps” (Just-In Time). L’apprenant définit ses objectifs en fonction de besoins opérationnels de court ou moyen terme. La plupart du temps, aucune formation au sens classique du terme n’existe pour ses besoins spécifiques. C’est donc lui qui crée son parcours, en fonction de ses besoins propres.
Hors, les besoins en formation “juste à temps” sont en constante augmentation. Cela s’explique par un environnement business changeant, des (r)évolutions technologiques fréquentes et une mobilité salariale accrue. Des études6 montrent que le monde professionnel est en pleine mutation, exigeant une adaptation toujours plus rapide des compétences salariales.
Alors que la formation classique (formelle) peine à s’adapter, le Self-Directed Learning est une réponse pragmatique à ce nouvel environnement changeant.
Raison n°4 : autonomisation
Je suis sûr qu’à la lecture des arguments précédents, certains d’entre vous ont réagi intérieurement en se disant : “mais tout le monde n’est pas capable de prendre en main ses apprentissages, de définir ses propres objectifs, de progresser en toute autonomie”. Et c’est bien légitime. Nous n’avons pas tous le même degré ou la même envie d’autonomie.
Je répondrai à cette objection 2 choses :
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Tout d’abord, être autonome ne signifie pas être seul. Le Self-Directed Learning peut s’appuyer sur un accompagnement adapté (coaching, tutoring, etc.), ainsi que sur des échanges avec une communauté d’apprenants ou de collaborateurs (pairs ou experts).
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D’autre part, l’autonomie s’apprend, et ce devrait être le tout premier des objectifs d’un Self-Directed Learning : apprendre à apprendre. Cela regroupe diverses compétences comme l’auto-évaluation, la recherche de ressources, l’organisation des connaissances, la gestion des émotions, la capacité à mener une approche réflexive sur ses apprentissages.
En menant une stratégie de Self-Directed Learning, vous faites donc d’une pierre 2 coups. En plus de développer les compétences initialement visées, vous développez l’autonomie et la capacité d’adaptation de vos apprenants.
Pour aller plus loin : Self-Directed Learning : continuum vers l’autonomie >
Raison n°5 : performance
Dans le monde professionnel, on n’est pas évalué selon ses connaissances, ni même selon ses compétences, mais bien selon ses performances.
C’est encore plus vrai dans un monde où les LLM (ex. Chat GPT) donnent accès à une base de connaissances presque infinie et où les Agents IA prennent en charge des tâches que nous croyions réservées à nos seules compétences.
Plusieurs rapports7 s’accordent sur l’idée que, parmi les capacités humaines qui prévaudront dans un monde d’IA, on trouve l’esprit critique, la résolution de problèmes, la créativité, la communication, la collaboration, le leadership, etc.
Ces capacités sont souvent ciblées par les stratégies de Self-Directed Learning qui accordent la plupart du temps une grande place aux apprentissages appliqués, au mode projet, au travail en groupe.
Raison n°6 : complémentarité
Je l’ai évoqué au début de cet article, le Self-Directed Learning n’a pas vocation à remplacer les autres tendances. Il peut en revanche s’inscrire en complément. Prenons 2 exemples.
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L’apprentissage formel, qui se concentre généralement sur un socle de compétences communes, peut être complété par le Self-Directed Learning pour laisser à chacun le soin de développer des compétences complémentaires, en lien avec les projets individuels. Le SDL peut aussi être utilisé comme une “tactique pédagogique” visant à rendre une partie de la formation plus active, par exemple au travers d’un projet.
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L’apprentissage informel, qui est déjà une réalité dans le monde professionnel, se fait de manière spontanée, opportuniste. Le Self-Directed Learning est au contraire une démarche plannifiée, consciente et réflexive. Le SDL peut donc offrir un cadre structuré, alimenté par des actions plus spontanées. Dans une certaine mesure, le SDL permet de valoriser l’apprentissage informel, de le reconnaitre en le formalisant.
Pour aller plus loin : 3 exemples de stratégies Self-Directed Learning >
Références
1 L’article Employees Spending 72% More Time on Self-Directed Learning (2023) fait référence à une étude de Cornerstone OnDemand.
2 Chiffres issus de l’article Empowered and Engaged: The Case for Self-directed Learning in the Workplace (2023) de Data & Society.
3 L’article How To Empower Your Learners With Self-Directed Learning – Featuring 7 Strategies (2022) fait référence au LinkedIn Workplace Learning Report.
4 De nombreux psychologues ont étudié ce phénomène : Deci & Ryan (théorie de l’autodétermination), Festinger (la dissonance cognitive), Rotter (le locus de contrôle), Kiesler (la psychologie de l’engagement), Brehm (réactance psychologique).
5 Lire mon article Des formations “adaptive”, sinon rien .
6 Article The 2020s will be a decade of upskilling. Employers should take notice. (2024) du World Economic Forum.
7 Rapports de l’OCDE (Trends Shaping Education 2024 + Skills Outlook 2023), du World Economic Forum (Future of Jobs Report 2023), de l’UNESCO (AI and Education: Guidance for Policy-makers (2021)).