Self-Directed Learning : continuum vers l'autonomie

L’autonomie des apprenants est au cœur même de l’approche Self-Directed Learning. C’est à la fois un moyen et un objectif. Un moyen, car l’apprenant dirige ses apprentissages en toute autonomie. Un objectif, car l’autonomie ne se décrète pas, elle s’acquiert. Dans cet article, j’aborde 3 concepts méconnus qui illustrent différents degrés d’autonomie. Vous pourrez ainsi mieux vous situer afin de dessiner votre propre chemin vers l’autonomie.

Le continuum

Les 3 notions que je vais aborder ici sont :

  • La pédagogie, pour un apprentissage guidé ;
  • L’andragogie, pour un apprentissage responsabilisé ;
  • L’heutagogie, pour un apprentissage autodirigé.

Pédagogie : l’apprentissage guidé

L’origine du mot “pédagogie” (du grec ancien paidagōgos, « celui qui conduit l’enfant »), marque la nécessité de guider l’apprenant qui n’a pas encore acquis l’autonomie. Le terme a ensuite évolué pour désigner l’art et la science d’enseigner, qui repose généralement sur le rôle central du sachant : l’enseignant, l’instructeur. C’est lui qui :

  • Fixe les objectifs ;
  • Dispense ou prescrit les contenus ;
  • Evalue les progrès de l’apprenant.

Cette approche a le mérite d’être très structurante. Elle offre des repères clairs et un cadre rassurant, appréciés par les apprenants qui n’ont pas encore développé l’autonomie. Elle offre aussi une approche sécurisée, voire standardisée, qui peut être un souhait de l’organisation formatrice : Éducation nationale, entreprise, etc.

Mais les contreparties sont nombreuses. Parmi elles, il y a le risque de passivité de l’apprenant qui peut conduire à sa démotivation. Ou encore le manque d’agilité de l’organisation formatrice qui peine à comprendre les besoins individuels et à s’y adapter.

Andragogie : l’apprentissage responsabilisé

Le terme andragogie a été popularisé dans les années 1970 par Malcolm Knowles, chercheur américain en éducation des adultes. Il voulait distinguer les spécificités de l’apprentissage adulte (expérience, autonomie, motivation) de celles de l’enfant, et montrer que les adultes n’apprennent pas de la même façon que les enfants.

Voici les 6 principes de l’andragogie selon Knowles :

  1. Quête de sens : l’adulte veut comprendre pourquoi il doit apprendre quelque chose avant de s’y engager, d’où l’importance de donner du sens et du contexte, de l’impliquer dès le départ.

  2. Désir d’autonomie : l’adulte veut être reconnu capable de diriger au moins en partie son apprentissage. Il souhaite participer aux choix pédagogiques (objectifs, méthodes, rythme), plutôt que de subir une transmission descendante.

  3. Expérience antérieure : l’adulte possède un bagage riche d’expériences. On construit l’apprentissage sur ce vécu, via études de cas, discussions, partage d’expériences.

  4. Besoins individuels : l’adulte est motivé à apprendre quand cela correspond à ses rôles sociaux ou professionnels. L’apprentissage doit être aligné sur des besoins concrets : travail, famille, développement personnel.

  5. Apprentissage appliqué : contrairement à l’enfant, l’adulte est centré sur la résolution de problèmes réels plutôt que sur des matières abstraites. On privilégie donc des approches actives, centrées sur la résolution de problèmes.

  6. Motivation intrinsèque : les adultes sont motivés surtout par des facteurs intrinsèques (développement personnel, estime de soi, accomplissement), plus que par des pressions externes.

Appliquer ces principes permet d’assurer une plus grande implication de l’apprenant. Sa motivation est entretenue tout au long des apprentissages. Les connaissances acquises sont rapidement mobilisables sur le lieu de travail.

Malgré tout, l’application des principes d’andragogie suppose un cadre organisé et un gros travail de préparation, en phase avec les besoins spécifiques des apprenants. Le formateur doit être à la fois expert, animateur, facilitateur, parfois coach. Cela demande des compétences pédagogiques avancées et une posture moins directive.

Heutagogie : l’apprentissage autodirigé

Le terme heutagogie a été proposé en 2000 par Stewart Hase et Chris Kenyon, deux chercheurs australiens. Ils souhaitaient mettre l’accent sur l’« auto-détermination » de l’apprentissage, dans un contexte où les nouvelles technologies et l’accès libre au savoir rendent possible un apprentissage autonome et flexible tout au long de la vie.

  • Apprentissage autodéterminé : l’apprenant choisit lui-même quoi, comment, quand et pourquoi apprendre. Le rôle de l’enseignant devient celui d’un accompagnateur ou mentor, plutôt qu’un formateur.

  • Développement des capacités et non seulement des compétences : on ne cherche pas uniquement à maîtriser une tâche précise (compétence), mais à développer la capacité à apprendre, s’adapter et résoudre de nouveaux problèmes (apprendre à apprendre).

  • Apprentissage non linéaire et flexible : contrairement à un parcours fixe, l’heutagogie accepte que l’apprentissage soit exploratoire, ouvert, non séquentiel. L’apprenant peut suivre des chemins variés selon ses besoins, intérêts et contextes.

  • Double boucle d’apprentissage : on encourage non seulement à apprendre des contenus (boucle simple), mais aussi à réfléchir sur comment on apprend (boucle double). Cela favorise la métacognition et l’autonomie durable.

  • Rôle central de la réflexion et de l’auto-évaluation : l’apprenant évalue lui-même ses progrès, ses besoins et ses stratégies. La réflexion critique (journaux de bord, portfolios, discussions) devient un levier d’apprentissage essentiel.

  • Usage des ressources ouvertes et collaboratives : l’heutagogie s’appuie souvent sur les technologies numériques (MOOCs, communautés en ligne, ressources libres). Elle valorise l’apprentissage collaboratif, l’intelligence collective et la co-construction du savoir.

L’application de ces principes procure tous les avantages que nous avons attribué au Self-Directed Learning dans un précédent article. Pourtant, il ne faut pas sous-estimer les nombreux défis à relever, comme l’accompagnement de l’apprenant dans cette quête d’autonomie, ainsi que le maintien d’une cohérence entre les désirs de l’apprenant et les objectifs de l’organisation pour laquelle il travaille.

Conclusion

Le continuum proposé dans cet article au travers des notions de pédagogie, andragogie et heutagogie reste très théorique, mais il donne des repères importants.

A chacun de se l’approprier. Pour certains, il s’agira de le considérer comme un chemin vers l’autonomie. Pour d’autres, il donnera des éléments pour composer un mix alternant des séquences dirigées et des périodes d’autonomie.

Le plus important ici, à mes yeux, est de bien comprendre les attentes de l’apprenant, entretenir sa motivation, écouter son désir d’autonomie, et l’encourager à acquérir la plus puissante des compétences : apprendre à apprendre.